A la découverte de : « Le piège à conviction » ou l’étrange destin de Bab Sèm !
« Le piège à conviction » est un roman de la togolaise Jeannette Ahonsou, publié aux Editions Awoudy en 2013, avec la préface de Kangni Alem.
Décontracté ! C’est l’état dans lequel le lecteur peut aborder « Le piège à conviction » de Jeannette Ahonsou, un roman publié aux Editions Awoudy en 2013. Le préfacier, Professeur Kangni Alemdjrodo (auteur lui aussi, Grand Prix Littéraire d’Afrique Noire), plaira beaucoup au lecteur par son style amusant imprimé à la préface. Il a raconté une belle histoire de rencontre entre deux auteurs, Jeannette et lui, avant de dire au lecteur : « Je vous laisse juge ! ». Juge du fond du roman bien sûr. Effectivement, chaque lecteur est juge du produit littéraire qu’il a entre les mains, comme ici.
Le lecteur aura l’impression de lire un récit policier ou de regarder un film d’espionnage dès le premier chapitre du roman « Le piège à conviction ». L’auteure aurait peut-être eu ses inspirations de ces films ou de ces lectures car les différentes descriptions plongeront le lecteur dans des espaces étrangers et étranges. Il ne retrouvera l’espace africain authentique qu’à travers quelques rares prénoms du genre Mana, Bintou, etc. qui ont aussi des résonnances togolaises. Le lecteur y notera aussi une apparition éclaire des conducteurs de taxi moto.
Même si le public littéraire ne la connaît pas encore assez, Jeannette Ahonsou est une grande romancière togolaise. Fille de Lavié-Huimé dans la préfecture des plateaux, elle est lauréate du Prix littéraire France-Togo en 1995 avec son roman « Une longue histoire », édité aux Editions Akpagnon en 2004. Elle écrit ensuite « Le trophée de cristal » que les Editions La rose bleue ont eu l’honneur de publier. Le préfacier avait déjà déploré dans l’un de ses chroniques l’absence du journalisme littéraire par qui les auteurs comme J. Ahonsou devrait se faire connaître.
Jenny, comme le préfacier-auteur Kangni Alem l’appelle amicalement ou littérairement, a créé des chapitres courts, très courts parfois, qui ont la particularité de n’avoir pas de titre ou d’avoir comme titres des dates. Et c’est à travers des chapitres comme « Vendredi 6 août, samedi 7 août, vendredi 13 août » etc. que Jeannette a créé un personnage étrange que le lecteur aura de la peine à déchiffrer. « Bab Sèm », n’est-ce pas bizarre comme noms ? Qui est ce personnage étrange ? Qu’avait-il eu dans son passé pour avoir cette personnalité d’acier ? Comment a-t-il pu construire une puissance autour de lui ? Ce sont là des questions qui tournent la tête au lecteur à la lecture du roman au point qu’il laisse de temps en temps le livre pour cogiter afin de déchiffrer le personnage. Cette situation est la toute première réussite du roman de Jeannette Ahonsou qui a su emballer la tête du lecteur dans un sac de jute romanesque.
« Le vieux se rappelait sa propre perte de voix. Ce fut après qu’il fut sauvé in extremis d’un incendie. Lorsqu’il était revenu à lui, il avait voulu savoir si sa mère aussi avait été sauvée mais il n’avait plus de voix. Il avait recouvré celle-ci après trois mois. Un mois après que son père l’eut reconnu et récupéré. Il avait quinze ans. » Un tel personnage, avec un passé si douloureux, ne peut qu’avoir un cœur plus dur que le roc. Le méchant est la somme de ses propres douleurs. C’est peut-être l’une des leçons que Jeannette Ahonsou veut rappeler au lecteur dans ce roman en créant ce personnage de Bab Sèm aussi étrange que le récit lui-même.
Bab Sèm est un aigri ! A tort ou à raison. Appréciez vous-même la description d’une scène de son enfance à la page 171 : « Deux enfants avaient le visage en sang parce qu’ils avaient essayé de contrecarrer l’horrible dessein de l’agresseur. Cet agresseur, c’était Sèm. Il avait alors quinze ans mais en paraissait à peine plus de la moitié, tant le kwashiorkor l’avait malmené pendant des années. » Telle enfance, telle personnalité ! A signifié implicitement Jeannette A.
Florent, petit ami de Judith, est séquestré par Bab Sèm dans une chambre créée pour la circonstance dans son domaine. Judith a passé tout le temps à rechercher son amoureux dans sa belle famille qu’elle ne connaissait pas, puis dans les coins et recoins les plus risqués possibles. Elle a côtoyé les gangsters au péril de sa vie pour retrouver ce garçon dont elle venait à peine de tomber amoureux après des recherches infructueuses à la police. Ce fut un bel récit d’espionnage sur fond de disparition étrange et curieux. Le lecteur se demandera comment cette auteure, Jeannette Ahonsou, professeur de Lettres à la retraite, a plongé sa plume romancière dans l’encre de Guy Des Cars ou des scénarii du genre Navarro.
Il est donc clair que « Le piège à conviction » de Jeannette Ahonsou est un roman d’espionnage dont l’inspiration surprend plus d’un. L’intrigue repose sur de nombreux rebondissements qui mènent le lecteur sur un chemin sinueux lui donnant une envie acérée de voir rapidement la fin tragique de Bab Sèm, comme il en a réservée à ses nombreuses victimes.
Des précurseurs et des confirmés aux héritiers, le roman togolais a évolué, à pas lent mais sûr. L’écriture aussi. Car ici, l’écriture de Jenny est saisissante avec un vocabulaire qui vous renvoie de temps en temps au dictionnaire. « Le piège à conviction » est l’un des rares livres sans coquille. Le lecteur notera avec satisfaction que les Editions Awoudy ont fait du bon travail. Les universitaires ont du pain sur la planche pour éplucher les pensées dans le répertoire du roman togolais tant les genres sont désormais diversifiés. Le lecteur, lui, se perd dans son choix.
« Bab Sèm, ce jeune homme qui agonise dans ce cachot est ton ….. Il est notaire. Il s’appelle Florent Méblé.»
La lecture du roman vous livre la suite.
Maurille-Vierge KOUDOSSOU