Entre les lignes de «Reste avec moi»

Vous est-il jamais arrivé de finir la lecture d’un ouvrage et dès l’instant où vous tournez la dernière page, l’envie vous prend de recommencer, non pas parce que vous n’en avez pas bien cerné le contenu mais, bien au contraire, parce que vous avez tellement été accroché et avez vécu des émotions décuplées que vous êtes prêt à y consacré à nouveau votre temps ?

C’est très exactement le sentiment que j’ai eu au bout de la 315ème page du Roman « Reste avec moi » de l’auteure nigériane Ayobami Adebayo. J’avais juste l’impression d’entendre l’ouvrage me dire « Rotimi » et de sentir mon cœur valser d’envie de répondre à l’invitation.

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Reste avec moi est un roman qui traite, en grande partie, de réalités sociétales africaines : infertilité dans le couple, incompatibilité génétique, ingérence des parents dans la vie de leurs enfants, politique, etc.

Il met en scène des personnages aux caractères différents et à la psychologie toute aussi différente. Akin et son épouse Yejide, Moomi la mère d’Akin, Funmi la seconde épouse indésirée de Akin et un dernier personnage dont les actes vont considérablement impacter le récit. Ce dernier personnage, je vous laisse le découvrir en lisant l’ouvrage.

L’on comprend à l’énumération des personnages et des liens existants entre eux que si l’on comparait l’ouvrage a un jeu d’échec, Akin en serait la reine car tous les autres semblent tourner autour de lui, de ses actes. Ce constat n’est que pur vérité car au-delà des acteurs précités de ce que je qualifierai d’un film qui se déroule sous nos yeux au fil des pages lues, toute l’histoire, toutes les péripéties, vécues dans le roman ont pour source Akin et pour cause un fait… Nous en reparlerons plus loin.

 

PARCOURONS L’OUVRAGE A TRAVERS LES FAITS DE PERSONNAGES.

Moomi (figure de l’ingérence des parents dans la vie de couple de leurs enfants)

Akin et Yejide s’aiment éperdument depuis leur première rencontre qui va aboutir à leur mariage alors que la jeune fille était toujous vierge. Seulement, après quatre années de vie conjugale, le sort s’acharne contr eux car Yejide ne portait toujours  pas le fruit de leur union. L’incapacité de procréer, s’il n’entame en rien l’amour de son mari Akin ne satisfait point la mère de ce dernier qui ne tolère pas l’infertilité de sa belle fille.

Lorsqu’un couple n’a pas d’enfant, c’est forcement la faute à la femme. S’ensuit, comme cela se remarque souvent dans les sociétés africaines l’ingérence des parents, des familles. Celle de Moomi en particulier. La pression est grande. Il faut un enfant et puisque les deux jeunes gens ne parvenaient pas à trouver une solution à la situation, les « sages » rappliquent. Le fait redouté par le couple se produit. Funmi, jeune et belle fille à « l’entraille forcement fertile » est imposée en seconde noce à Akin, contre sa volonté. Je vous laisse découvrir…

Yejide (la femme digne qui finit par perdre pied)

 Il y a périle en la démeure. Yejide doit coute que coute avoir un enfant pour sauver son mariage et faire ravaler à sa belle-mère et à Funmi leur salive. Commence alors un parcours de combattant tout au long duquel elle se plit à toutes les propositions aussi bien celles la dirigeant vers la médécine et autres recommandations scientifiques que vers les pratiques tirées des us et coutumes légués par les anciens. Elle se bat, se donne corps et âme avec l’espoir de tenir enfin entre ses mains son bébé, l’enfant d’Akin. Tant de sacrifices, à la limite inimaginables qui vont finamlement déboucher sur une forme de dépression qui crée chez la jeune femme l’illusion d’être enceinte.

Elle finit par trouver du reconfort dans les bras d’un proche (Je vous laisse découvrir). Un acte d’infidèllité de Yejide voulu et provoqué par Akin à son insu.

Deux fois de suite Yejide tombe enceinte, deux fois de suite, ses enfants Olamide et Sesan ne purent s’accrocher à la vie. L’incompactibilité génétique entre Yejide et le géniteur de ses progénitures fait développer une forme grave de dépranositose aux innocents enfants. Que dis-je aux enfants de Yejide et Akin, aux enfants qu’ils ont conçu sans avoir jamais franchi, depuis leur mariage, l’étape des simples caresses.

Malgré tout Yejide tombe à nouveau enceinte et donne naissance à un troisième enfant, Rotimi (reste avec moi). Seulement, sa relation avec Akin n’est plus au beau fixe. Elle a fini par découvrir que son infidèlité avait savemment été provoquée par son mari. Mais si Akin à provoqué l’acte, l’a-t-elle forcé à le faire ? Nemo auditur propriam turpitudinem allegans.

La naissance du troisième enfant est accueillie avec peut d’entrain par Yejide qui finit par prendre ses distances d’Akin et de Rotimi, convaincue que, comme pour les deux premiers, cette dernière ne survivrait pas. Qu’en sera-t-il réellement ? Rotimi va-t-elle comme son nom le lui demande rester avec ses parents ? Va-t-elle définitivement provoquer l’éclatement du couple ou, au contraire, en sera-t-elle l’élément conciliateur ?

Akin (le mépris)

Le mal que vit le couple ne provient pas de particulièrement de Yejide mais plutôt d’Akin qui cache un lourd secret. Yejide est psychologiquement atteinte et commence par vivre l’illusion d’être enceinte. Face à la dépression de son épouse et à la peur de la voir sombrer dans la folie, il trouve une ingénieuse mauvaise idée de provoquer l’infidèlité de son épouse afin que cette dernière tombe véritablement enceinte.

L’acte d’Akin, plutôt que de l’amour, apparâit comme du mépris. Du mépris pour Yejide, du mépris pour le corps de la femme. Il a sans doute cru avoir le droit de décider et de disposer du corps de cette dernière.

Est-ce ce mépris qui caractéria également sa relation avec Funmi ? Question au futur lecteur de l’œuvre.

En toile de fond, le patriacat et l’instabilité politique

Le récit dans son ensemble révèle en toile de fond, la dénonciation par l’auteur de la pratique du patriacat fortement encrée au Nigéria mais pas seulement. Cette même réalité qui tend à affirmer l’autorité prépondérante des hommes se vit dans de nombreuses sociétés africaines inflexibles et incapables de se remettre en cause, incapables de se réinventer.

L’auteure fait également de son œuvre un récit des bouleversements politiques au Nigéria dans les années 80 tout en l’adaptant au vécu actuel des populations. Avec Ayobami, nous voyageons dans le temps. Nous décollons du passé (autour de 1985) pour atterrir à l’époque actuelle (année 2008).

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Au-delà du style particulier de l’auteur qui nous fait vivre le récit par la voix de deux narrateurs, Akin et Yejide, qui tour à tour nous plongent dans leur univers, « Reste avec moi » est une œuvre de découverte de la société nigériane et par ricochet, des réalités africaines, une œuvre qui appelle à la réflexion et à une réelle prise de conscience. 

 

Steve BODJONA

Diplomate – Ecrivain

Président du Club Le Littéraire